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Métiers d'art du spectacle et de l'audiovisuel : modiste et chapelier

  • cerpcos
  • 17 nov.
  • 7 min de lecture

Les métiers d'art du spectacle et de l'audiovisuel portent leur identité propre qui les distingue de la mode et de la haute couture ( qui d'ailleurs convoquent de moins en moins les couvre-chefs). Depuis le rapport de Sophie Cathala-Pradal (DMDTS/CFPTS, 1994 )consacrés aux Métiers rares du spectacle n,ous avons eu le plaisir et de poursuivre ce travail en suivant en atelier les derniers artisans indépendants. Les résultats de ces travaux sont conservés au Minsitère de la Culture, anciennement mission du patrimoine ethnologique, aujourd'hui, aujourd'hui ethologie et patrimoine culturel immatériel. Voici le premier focus : le chapeau.


Marie Antoinette de Sofia Coppola, tricorne femme par Pippa Cléator.
Marie Antoinette de Sofia Coppola, tricorne femme par Pippa Cléator.

Le chapeau

Dans le monde de la mode lorsqu’on parle chapeau, on pense accessoire. Mais depuis la seconde guerre mondiale où sortir « en cheveux »  n’est plus signe d’opprobre,  il n’est que peu ou prou présent sur nos têtes. Sur  les planches ou à l’écran, le chapeau met en valeur n’importe quel visage et permet d’accentuer  un propos déjà entériné par le costume : fatigue, beauté, vieillesse, statut social. Fabriquer un chapeau pour le théâtre et les spectacles n’est donc pas anodin  dans le sens où la forme est un indicateur temporel fort en sus des différents messages qu’il porte.

Cependant que ce soit à la ville ou à la scène le savoir-faire était autrefois genré : aux modistes la tête des femmes, aux chapeliers celui des hommes. Jacques Gencel descendant d’une dynastie de chapelier de spectacle l’explique fort bien :

Mon arrière grand père a fondé la maison en 1877. Il était alors chapelier de ville […] Il était passionné de théâtre et il avait constaté, que les chapeaux d’hommes étaient faits par des modistes. La différence entre une modiste et un chapelier est la même qu’entre un tailleur et une couturière. Une modiste travaillera plus dans le flou que nous. Nous  ne sommes pas capables de faire ce que fait une modiste. Normalement cela vaut aussi dans l’autre sens, en tout cas à l’époque les modistes ne faisaient plus de chapeaux hommes. Bref, mon arrière grand-père a commencé à prospecter les théâtres pour leur proposer ses services [...]  Petit à petit il est devenu le spécialiste des chapeaux pour le spectacle [1]


Jacques Gencel, maître d'art, découpant à main levée les bords d'un sombrero en paille après séchage au four. Photo Sylvie Perault
Jacques Gencel, maître d'art, découpant à main levée les bords d'un sombrero en paille après séchage au four. Photo Sylvie Perault


L’atelier indépendant est incontournable,   fournit l’ensemble des lieux de théâtre et spectacle, cirque et music-hall compris ainsi que le cinéma. Le déclin s’annonce lorsque les nouveaux réalisateurs proposent des films historiques sans chapeaux et des spectacles où le costume est réduit à sa plus simple expression. Pourtant le couvre-chef oblige à une contenance autre qui conditionne la façon de marcher, de danser et jouer.

Au théâtre, ce qu'il faut trouver c'est l'esprit des personnages que les comédiennes auront à interpréter. J'ai fait un chapeau pour Elvire Popesco dans « la Mamma » Le personnage était une brave sicilienne qui allait à la messe le dimanche avec son chapeau qu'elle devait avoir depuis cinq ou six ans.

J'ai trouvé de vielles ailes de corbeaux jaunies et abîmées et j'ai fait un chapeau réussi parce qu'il était son chapeau, celui qu'elle avait pris dans son armoire pour aller à la messe. Un peu démodé, un peu sale, un peu verdi. C'était le chapeau de « la Mamma ». Elvire Popesco m'a dit : Paulette, quand j'entrais en scène avec mon chapeau, c'était ma vérité; Sans lui je n'aurais pas pu." (Pauline Adam de la Bruyère, dite Paulette, surnommée "La reine des modistes et la modiste des reines". Dans l’entre-deux guerres, elle  coiffe les têtes couronnées puis travaille pour le théâtre et le cinéma My Fair Lady et les somptueux chapeaux d’Audrey Hepburn par exemple)


Savoir-faire :

Dans le cadre spécifique de la scène ou de l’écran, des contraintes spécifiques sont à prendre en compte.

C’est mon père qui m’a appris le métier de chapelier et mon père, c’est son père qui lui a appris et ainsi de suite.... Je n’ai pas fait d’école de chapellerie, parce que, la meilleure des écoles est ici. Je suis né ici, dans cet atelier, il y a une partie appartement derrière et mes parents habitaient là […] Et ne pensez surtout pas que le chapelier de ville et le chapelier du spectacle ont le même type de travail, c’est absolument différent ! Lorsqu’un décorateur m’envoie une maquette, il va falloir que je cogite pour savoir comment je vais faire. Et puis c’est ça l’intérêt de ce métier, pour chaque chapeau il y a une recette différente.

Pour pouvoir répondre aux demandes, le chapelier utilise des formes en bois qui correspondent à un moment historique précis. L’atelier Gencel possède environ 3000 formes   Il faut aussi savoir répondre aux étrangetés que dicte une pièce de théâtre, s’adapter aux nouveaux matériaux qui sont nombreux et revoir les tours de main pour s’y adapter.

Pour faire les chapeaux j’utilise principalement le feutre, […] nous utilisons aussi tous les tissus, le carton, le plastique. En fait, il n’y a pas une matière qu’on n’utilise pas. J’ai même utilisé une louche de cantine, c’était pour Jean le Poulain dans « Le noir te vas si bien ». Il y avait un gag dans la pièce, il portait un chapeau melon et on lui tapait sur la tête. Cela devait sonner comme une casserole. Alors, lorsque j’ai fait le rond du chapeau melon, il a fallu y inclure la louche de cantine. C’est pour vous dire qu’on se sert vraiment de tout. Lorsqu’on a monté « Ubu roi » au TNP, les plumets de chapeaux étaient des balais de cabinet !

Assemblage d'un sombrero en feutre par Jacque Gencel, un des premiers maîtres d'art  Photo S. Perault
Assemblage d'un sombrero en feutre par Jacque Gencel, un des premiers maîtres d'art  Photo S. Perault

Si la scène a ses exigences qui obéissent en particulier au lointain dans le rapport à la scène, les savoir-faire vont prendre un autre aspect dès lors qu’il s’agit de l’écran. En effet, c’est le moment où les gros plans vont être privilégiés, les savoirs, bien que les mêmes vont avoir un traitement différent.


La télévision porte également ses propres attentes ainsi, à l'époque de la SFP ( Société Française de Production) et des Buttes-Chaumont, un atelier entier était en mesure de répondre aux attentes de toutes les époques.

 Ghislaine Lajarge, modiste SFP, La famille Boussardel cost Monique Plotin Les Mamelles de Tirésias, cost Michel Fresnay

 

 Pippa Cléator, a une carrière très dense et démarre à Londres chez Cosprop où elle peut développer sa passion pour les objets et les matériaux anciens. Pour confirmer sa vocation elle va à la couture qui ne lui plaît pas vraiment et s’épanouit avec les accessoires « Les objets et l’artisanat, ce n’est pas que le costume qui m’intéresse, c’est toute la gamme, y compris l’environnement dans lequel il va évoluer ». Dans ce milieu à la fois précis et hétéroclite elle se nourrit visuellement grâce à des costumes et chapeaux historiquement véritables. Elle y reste quelques temps puis comme elle a passé  un long moment en Inde et étudié vêtements et tissus au musée du textile, elle est sollicitée pour participer à la création du Mahabharata mis en scène par Peter Brooke (1985). Cette étonnante expérience construit et alimente sa façon de faire car le spectacle dure 3 fois 3 heures, « les personnages étaient nombreux et de fait, les changements de costumes également. On questionnait les gestes sans cesse en répétition ». Elle devient l’assistante de Brooke mais la matière et la fabrication lui manquent. Elle reprend au cinéma avec Jefferson à Paris (James Ivory, 1995) car un des décorateurs la connaissaient depuis Londres. Elle enchaine avec d’autres films dont Le parfum (Tom Tykwer, 2006), Marie Antoinette (Sofia Coppola, 2006) de nombreuses séries parmi elles Nicolas Le Floch, Down town Abbey , Pinketc.

Alan Rickman et Rachel Hurd-wood dans Le Parfum, histoire d'un meurtrier 2006   Modiste Pippa Cléator
Alan Rickman et Rachel Hurd-wood dans Le Parfum, histoire d'un meurtrier 2006 Modiste Pippa Cléator


Le chapeau n’est qu’un élément du costume, il faut travailler avec différentes équipes. C’est un objet très intéressant. Lorsqu’on regarde un costume, le chapeau parle toujours énormément. Je suis toujours très étonnée lors d’un essayage : Le costume est là, la comédienne le porte, l’équipe couture observe, j’arrive avec mon petit chapeau et tout d’un coup, c’est comme un coup de baguette magique : il est mis et on voit l’époque.

C’est en effet le corps de la comédienne qui va faire émerger les nombreux messages que porte le costume dans son entièreté : une silhouette redéfinie par le «petit linge» puis le travail des réalisatrices associé aux nombreux accessoires.

Il y a beaucoup de monde impliqué dans la réalisation d’un costume. […] J’ai de nombreuses contraintes différentes mais c’est l’intérêt. Surtout si on veut travailler comme un sculpteur. J’aime bien être bousculée par le travail ou l’exigence des autres, par exemple des créateurs vont vous amener un peu plus loin que là où vous vous seriez arrêtée.

On consultera son site Pippa Cleator: Chapeaux d'époque.

Jefferson à Paris James Ivory 1995 Modiste Pippa Cléator
Jefferson à Paris James Ivory 1995 Modiste Pippa Cléator


D’autres grands noms existent dans le métier, par exemple Lucienne Marchand qui a fait les beaux jours du théâtre, du cinéma et des variétés des années 1950 jusqu’en 1990. Maryse Roussel qui a fait ses premiers pas dans l’atelier de Mme Marchand est aujourd’hui considérée comme son héritière et répond à toutes sortes de demandes. Comme l’atelier Gencel a définitivement ferméaprès le départ à la retraite, il n’y a plus de distinctions entre modiste et chapelier et comme auparavant, c’est une modiste qui va faire du chapeau aussi bien féminin que masculin. Aujourd'hui, Maryse Roussel est, elle aussi, partie à la retraite. Les ateliers indépendants en tant que tels, n’existent plus et les modistes-chapeliers ont désormais le statut d’intermittent du spectacle.


Maryse Roussel ajustant une coiffe pour le music-hall. Photo S. Perault
Maryse Roussel ajustant une coiffe pour le music-hall. Photo S. Perault

DEVENIR MODISTE pour le spectacle


Seule l'école La Générale propose des formations avec des professionnels en activité : une adéquation entre les attentes d'une création et la réalité actuelle est donc garantie. On y trouve des formations longues mais aussi des stages intensifs qui permettent de perfectionner des acquis. Toutes les informations sur Évènements depuis 13/07/2024 – 26/05/2026 › Stages Costumiers › – La Générale Le prochain stage qui a lieu en décembre concerne le béret renaissance.

Arts du spectacle dans Montreuil, France


Pour citer cet article Artisans d'art du spectacle et de l'audiovisuel / CERPCOS/novembre 2025/ Sylvie Perault



[1] Terrains successifs de 1994 à 2020 avec suivi des devenirs des savoir-faire et ateliers . S. Perault pour le CERPCOS.


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