La série MONTMARTRE, entre mythe et réalité : entretien avec Florence Clamond. Céleste et le cabaret ( partie 2)
- cerpcos
- il y a 2 jours
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Dernière mise à jour : il y a 1 jour

Céleste aurait-elle pu vivre la danse et le cabaret si, de la fiction nous passions à la réalité ?
On le sait, le principe de la fiction est de s'appuyer sur quelques éléménts du réel connus de tous et de proposer une version imaginaire : on observe donc un subtile mélange de détails qui proviennent de faits historiques et dont le souvenir diffus existe encore aujourd'hui entérinant un effet de réel .Ainsi, il y a véritablement eu un immense éléphant en plâtre érigé pour l'exposition universelle de 1889 et quasi contigüe au Moulin Rouge. Sans doute est-il l'inspiration du nom du cabaret de la série. Du rouge au rose, Montmartre et ses moulins, on voit se dessiner en filigrane l'origine probable du nom. Par ailleurs, le mot Cabaret est évocateur et actuellement on y "range" presque tous les genres possible et imaginable. A cette époque , on est davantage proche du café- concert assez rustique, où on vient "boire un coup" et s'amuser plutôt que voir un spectacle très organisé avec tables rondes, lumières tamisées et sortie prestige avec madame : ce sont des lieux prioritairement populaires. Cependant, il est normal que lors d'un tournage les propositions correspondent à l'idée qu'on se fait d'une époque, plus qu'une réalité parfois difficile
L'éléphant du Moulin Rouge ; Montmartre fin XIXe , Les maisons où habitèrent Berlioz et Mimi Pinson ( aujourd'hui détruites)
Le cabaret, tel qu'il nous est présenté ressemble davantage à un cabaret actuel avec ses coulisses, ses loges et en réalité - pour en avoir vues un grand nombre - pas aussi confortable que dans la série où chaque danseuse à une grande place ( moyenne réelle 80 cm par danseuse) et surtout un anachronisme sympathique : il y a l'électricité alors qu'elle n'est pas encore inventée. C'est ainsi que spectatrices et spectateurs sont " attrapés" en retrouvant leurs propres références et en ayant l'impression de voyager dans le temps.
Le réalisateur Louis Choquette explique à ce sujet Le Montmartre d'aujourd'hui, peu importe d'où on le filme, ça ne fait pas du tout époque 1900. On a passé assez peu de temps sur la vraie butte parce qu'il valait mieux recréer nous-mêmes des rues plutôt que d'essayer de plaquer ça dans la ville actuelle. C'est la raison pour laquelle un Montmartre imaginaire a été recréé associé à un cabaret lui aussi reconstitué aux studios de tournages de Bry sur Marne.
Le French cancan existe bien sûr ! C'est un quadrille endiablé qui à l'origine n'avait pas pour vocation de devenir spectacle, il le devient progressivement car c'est un espace ou jambes et dessous féminins sont visibles, ce qui est à l'époque est d'un érotisme torride. Il est plus que jamais associé à Montmartre puisqu'il se développe dans les bals puis au Moulin Rouge avant d'entrer au répertoire des revues à grand spectacle.

Le personnage de Céleste joué par Alice Dufour
La comédienne Alice Dufour est une ancienne danseuse du Crazy Horse, ce qui implique un rapport au corps et à la danse déjà bien ancré et conscient.
Florence Clamond, la créatrice des costumes expliquait (voir partie1) que chaque personnage avait son mood board même s'il n' y a pas obligatoirement une maquette par costume porté. La production nous a demandé que le personnage de Céleste se détache par rapport aux autres, qu'elle ait un côté iconique, ce qui n'est pas vraiment possible si on reste très proche de la réalité historique. Ainsi, la ligne principale du personnage apparait avant les décisions finales.

On comprend un usage de la couleur qui n'était pas habituel à la fin du XIXe siècle.: des couleurs qui tranchent, sur la maquette une allure décidée, le tout révèlateur du caractère de Céleste. Pour tout ce qui concerne les scène de cabaret, il a fallu faire attention car c'est une série qui passerait en prime time, il fallait donc trouver un équilibre entre la narration et les costumes pour la scène. J'ai travaillé sur l'idée d'un corps-bijou, d'un corps paré. L'inspiration venait bien sûr de Montmartre et ses cabarets. Nous avons aussi échangé avec la comédienne.
Esssayage pour Alice Dufour avec l'amie Catherine Leloup, fabrication d'un costume-bijou pour un des numéros
Le beau manteau de Céleste peut interpeller les connaisseurs, car il est " rose schoking" une couleur et une appelation inventée bien plus tard par Elsa Schiaparelli pour la haute-couture en 1937. Mais là encore, il s'agissait que l'héroïne se démarque Le manteau a été développé en mood board mais pas en maquette, c'est un vrai parti pris, la rencontre avec un tissu. Nous l'avons fabriqué car la comédienne et moi nous y avons cru, la production et le réalisateur étaient plus mitigés. Alors, j'ai proposé les scènes où il pouvait être mis en fonction du décor... Les premières scènes ont été filmées et ils ont donné leur accord lors des rushes. C'est un costume qui a un effet sur les gens, qui m'a échappé !
Les costumes de cabaret
Céleste aurait -elle pu danser nue et parée à la fin du XIXe siècle ?
Eh bien non !!! Les ligues de vertus font rage et montrer son corps à des fins érotiques est passible de lourdes amendes et même d'emprisonnement. Une police spéciale est dévolue à stopper les contrevenants. Le port du maillot est obligatoire de la tête au pied et on ne peut montrer la peau. Il faut attendre la très virulente " bataille du nu " en 1907 pour qu'en 1908 pour que soit accepté sous conditions la monstration du corps féminin. Les textes juridiques des archives de Paris expliquent " Le conflit judiciaire et médiatique de l’année 1908 apparaît comme le point d’orgue d’une décennie marquée par l’accroissement des tensions provoquées par les audaces sans cesse plus poussées de l’industrie du divertissement en matière de dévoilement corporel, situation imposant à l’institution judiciaire de trancher une question épineuse, celle des limites du « montrable » sur scène. Aussi convient-il de resituer la « guerre du nu » dans un contexte plus vaste de transformation de la culture du spectacle à la fin du XIXe siècle et de retracer le processus de déclenchement des poursuites judiciaires afin d’identifier les éléments qui semblent contraires à la moralité publique." Le procès de la danseuse Germaine Aymos met fin aux interdictions et fait jurisprudence à condition que le corps soit maquillé, paré et que le système pileux ne soit visible en aucun cas. Des usages qu'Alice Dufour et les autres danseuses de revues connaissent bien car cette préparation du corps est toujours en usage aujourd'hui !






























